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René Chancrin
2 avril 1911 à Villeurbanne – 12 Juillet 1981


Un homme aura laissé dans l’aventure des arts plastiques à Lyon au XXe siècle, l’image d’un être s’effaçant totalement derrière son métier de peintre, c’est René Chancrin. Pourtant cette immense humilité est maintenant annihilée par son œuvre, puisque immédiatement, devant un jaune d’œuf posé au creux d’un monticule de farine chacun s’écrie désormais : « Voici une œuvre de René Chancrin !… Si un peintre fut exposé à tous les sarcasmes pendant les événements de Mai 68, ce fut René Chancrin dont les compositions évocatrices des maîtres flamands faisaient hurler les tenants de la révolution.
Un homme trouva toujours les mots justes pour décrire et soutenir avec insistance l’œuvre de René Chancrin, c’était Marius Mermillon. Retrouvons le, le 8 mai 1947, de retour de la galerie des Jacobins : « Avec René Chancrin ce présente un cas très particulier qui mérite qu’on s’y arrête pour éviter tout équivoque. Le peintre en est déjà la victime. A première vue, ses tableaux paraissent faits pour l’acheteur épris de copie fidèle, de finitions exactes, et de séduisantes couleurs. Disons le mot : ils paraissent pompiers. Hors, qui les jugerait sous cet aspect les aurait regardés bien superficiellement. Ce sont les travaux d’un vrai peintre qui affronte toutes les difficultés de l’exécution et qui se pose un problème dont l’époque, injustement ne se préoccupe plus guère. Ce fut Vallotton, je le crois bien, qui en chercha, le dernier, la solution. Et, dans un autre ordre d’idée, aussi Derain. « J’aime l’objet, j’aime les objets dit Chancrin » Dans ses natures mortes, il les dispose, les modèle et les décrit en ronde bosse, jusqu’au simulacre parfait de leurs formes et de leurs couleurs. Il y a un danger à faire un sort à chaque chose auquel l’artiste n’échappe pas toujours. Il excède parfois l’intérêt pictural de sa recherche et tombe dans le trompe-l’œil. Une carpe rappelle en plus fort les poissons de Cocquerel. Une touche sur un vase de cuivre semble posée par feu Yung. Mais cette adresse un peu trop prédominante n’est pas trop grave, car Chancrin est jeune. Erreurs qui sont la rançon de ses scrupules. En revanche, cette conscience respectueuse de la réalité donne à l’objet son poids, sa substance, sa place exacte dans l’espace et mieux encore : servi par un œil aigu, le peintre crée la lumière ( non pas l’éclairage ) par les plus subtils valeurs jouant sur toute l’étendue de la toile. Il possède le don hollandais d’installer ses modèles dans un air respirable. Ce don le préserve de l’effet décoratif des arrangements. Qu’on ne s’y trompe pas, il est très rare. Modeste, René Chancrin ne suit personne. Il refuse de s’offrir une originalité de surface par les moyens connus à la mode. Il consent à être de province. Quelle attitude sympathique ! Aujourd’hui, l’incontestable sûreté de sa technique l’a porté à un point d’équilibre : ou il deviendra un virtuose du morceau, et s’en tiendra là, ou, se libérant peu à peu de la vérité extérieure, sacrifiant détails, lueurs, reflets, voyant les objets au dedans de lui même il leur insufflera sa vie personnelle. Je ne doute pas alors de la qualité des œuvres qu’il nous montrera. »
Lorsqu’il avait choisi une voie, Marius Mermillon ne s’en écartait guère. Il vouait une haine sans limite à l’Art abstrait et à ses théoriciens. René Chancrin était pour lui le poulain idéal et inespéré. Devant ses toiles, le critique et sa passion se sentaient moins isolés. Marius Mermillon dont le regard était empreint de toutes les questions en cours sur la lutte engagée par l’abstraction contre la figuration, utilisait l’œuvre de Chancrin pour revenir sur certains aspects des débats. Face à cette œuvre le public est attiré par le côté performance, le léché, le fini. Des bruits courent. Il serait possible dans certaines compositions de lire en miniature des scènes vues à travers des fenêtres voisines. Des destins inconnus seraient donc gravés dans le mystère des toiles de René Chancrin. Laissé dans la marge, dans les musées lyonnais, par nos conservateurs contemporains, René Chancrin rassemble autour de son souvenir, des inconditionnels qui éprouvent en face de son œuvre de profondes émotions. Ayons le courage de redécouvrir René Chancrin, il incarne une part de la lucidité des artistes de son époque.