Etre
élève à l’école des Beaux-Arts de
Lyon entre 1941 et 1948
Beaucoup s’inscrivaient pour échapper au climat de la
guerre, au Service du Travail Obligatoire, certains prirent le maquis,
comme Antoine Sanner. Comme Pierre Coquet, ils avaient seize ans en
entrant.
Souvent issus de milieux modestes, ils prenaient leurs repas à
l’Armée du Salut. La soupe était parfois servie
par des clochards aux mains sales qui trempaient leurs doigts aux
ongles noircis dans l’assiette.
En 1948, les tickets de rationnement étaient encore en vigueur.
Roger Bravard se souvient d’une voisine et de son chat. Un jour,
l’animal disparu, la brave dame vint demander après son
matou. Il venait de faire le repas de certains élèves.
L’amour était souvent au rendez-vous, ainsi, la future
épouse de Jacques Truphémus, Aimée était
la fille du capitaine de l’Armée du Salut. Pierre Doye,
Antoine Sanner, Pierre Coquet rencontrèrent l’âme
soeur en allant à l’école.
Pierre Doye se souvient : « les conditions de vie à l’école
étaient les mêmes pour tous. Les origines sociales disparaissaient,
chacun trouvait amitié et respect. »
A l’entrée de l’école, successivement dirigée
par G.Dengler et P. Bellemain, il y avait souvent une file d’attente.
Les élèves dissipés venaient acheter des fournitures
indispensables : feuilles d’Ingres, fusains, et fixatif auprès
des gardiens.
Pendant son cours, René Dumas faisait de longs discours chargés
d’une certaine émotion sur la peinture, comme en témoignent
ses nombreux carnets noirs, sur lesquels, il prenait de très
nombreuses notes, et inscrivaient ses pensées sur la peinture.
René Dumas aimait évoquer la haute figure de Gustave
Courbet. Pour corriger, il avait une méthode particulière.
Il s’asseyait à côté de l’élève
après avoir choisi un fusain qu’il écrasait sur
le dessin. Pierre Doye qui vécut cette expérience avoue
qu’elle lui apporta beaucoup.
Avoir moins de vingt ans en 1943, et être inscrit à l’école
des Beaux-Arts de Lyon…
La ville de Lyon fut occupée en deux fois par l’armée
allemande. Une première fois en 1940, la présence des
soldats allemands dura dix neuf jours. Puis, on installa la ligne
de démarcation qui fit de Lyon la capitale de la zone libre,
et de la résistance, cette période dura jusqu’à
l’arrivée de l’armée d’occupation,
le 11 novembre 1942. La ville fut enfin libérée à
partir du 1er septembre 1944.
James Bansac se souvient de la menace du Service du Travail Obligatoire
qui pesait sur tous les jeunes élèves masculins.
A la fin, de mille neuf cent quarante trois, alors que
l’armée allemande occupait la ville de Lyon, l’école
comptait beaucoup plus d’élèves filles que de
garçons. James Bansac se souvient qu’il travaillait à
Vénissieux chez Berliet, lorsque des soldats allemands accompagnés
de miliciens surgirent de plusieurs véhicules pour abattre
à la mitraillette sur la voie public cinq prisonniers. Terrorisé,
le jeune Bansac quitta Lyon pour trouver un travail chez des paysans.
A la fin des hostilités, il revint pour concourir pour le prix
de Paris qu’il remporta. Les aînés de James Bansac,
comme André Cottavoz, Jacques Truphémus ou Philibert
Charrin ne purent fuir, ils furent conduits dans un camp en Autriche
où ils durent se plier à de dures travaux de terrassement.
Certains, comme Antoine Sanner, Jean Mélinand réussirent
à prendre le maquis. Tous ces destins furent soumis à
une terrible épreuve, pourtant, au-delà des vexations,
des tickets de rationnement, du froid du terrible hiver quarante trois,
de la faim, du doute, cette jeunesse affamée d’art et
du désir de peindre ou de sculpter réussira à
surmonter ces obstacles et à se sublimer. Voici peut-être
la vraie raison de cet appétit de vivre et de peindre qui anime
encore chaque membre de l’aventure « Sansiste ».