L’école
des Beaux-Arts de Lyon - De l’Ecole Royale à la génération
Internet.
Avant et après son installation au Palais Saint-Pierre, le
3 Juillet 1807, l’école des Beaux-Arts connut de nombreuses
péripéties. Il n’était pas dans l’esprit
des autorités lyonnaises de former des artistes. En 1676, Thomas
Blanchet engagea auprès de Louis XIV une action, pour la création
d’une école académique de dessin. Malheureusement,
le pauvre Blanchet mourut, emportant avec lui son projet. En 1756,
l’abbé Lacroix conçut l’école gratuite
de dessin, avec le soutien du prévôt des marchands Flachat
de Saint Bonnet et de l’intendant Bertin. Là, Marc Antoine
Perrache fut professeur de sculpture et d’architecture. L’école
s’installa place du Change, puis dans les locaux de l’actuel
Lycée Ampère. Les Soyeux trouvèrent là,
les dessinateurs enseignés dont ils avaient besoin pour la
création des modèles de fleurs et autres ornements utiles
à leur industrie. En 1769, elle fut nommée Ecole Royale
Académique de dessin et de géométrie. Les premiers
soubresauts de la révolution de 1789, ne bloquèrent
pas son fonctionnement. Elle ferma ses portes pendant le siège
de Lyon, en 1793. Il fallut attendre 1795, pour qu’elle reprit
son activité. Elle devint, en février 1795, Ecole Gratuite
de Dessin, première section de l’Ecole Centrale. On organisa
alors, pour la première fois en France, des classes de principes,
de bosses, de modèles vivants et de géométrie
pratique, comme fondement à la formation pratique des futurs
employés de la Fabrique. Nouveau bouleversement, en 1802, les
écoles centrales furent supprimées. Plusieurs années
de péripéties administratives, amenèrent au jour
de l’inauguration officielle de l’Ecole Impériale
de dessin, le 2 Novembre 1807.
Henri Béraud, dans son Ecole moderne de peinture lyonnaise,
publiée en 1912, évoqua cette singularité de
la formation des artistes lyonnais, dans laquelle à l’extérieur,
on prenait plaisir à les enfermer : « Est-ce que vos
peintres réussissent toujours aussi brillamment la mouche et
la goutte d’eau »? Plus loin, nous retrouvons Béraud,
toujours enclin à dénoncer les injustices : «
D’autre part les dessinateurs de Fabrique fournissaient un contingent
de peintres aux blaireaux. Et les Saint-Jean, les Baile, les Lays,
les Chabal pensaient de bonne foi, continuer Berjon et Philippe de
la Salle, quand ils s’escrimaient à des fleurs en papier,
en porcelaine, voire en bois, qu’ils lustraient, astiquaient,
torchaient, époussetaient avec une résignation de peintres
aux galères. Cet art enchantait les bourgeois en rhingraves
et bolivars de 1850, et, principalement les soyeux ou fabricants qui
à Lyon sont les mécènes, des mécènes
dont seuls les malheureux explorateurs qui vécurent deux semaines
attachés à un arbre, en proie à la faim et aux
mouches peuvent se faire une idée ».
L’école devint en 1815, sous la monarchie constitutionnelle,
l’Ecole Royale de dessin, puis en 1848, avec l’avènement
de la Seconde République, elle se transforma en Ecole Nationale.
La prise du pouvoir par Napoléon III, lui redonna son statut
d’Ecole Impériale. Elle trouva son appellation définitive,
en 1871, en devenant l’Ecole Nationale des Beaux-Arts. Son directeur,
le peintre Bonnefond obtint pour ses élèves, dix-sept
titres de Grand Prix de Rome entre 1831 et 1860. Henri Béraud,
en partisan de la liberté du créateur, justifiait ainsi,
l’évolution de l’esprit de l’Ecole lyonnaise
de peinture : « Lorsque Berjon mourut, en 1848, une tradition
et une école mouraient avec lui. Les formules ne vivent pas
plus que les hommes et c’est bien heureux. Celle de Berjon qui
fut un noble artiste, causa le fâcheux malentendu, dont les
peintres de chez nous souffrent depuis un siècle. En fondant
la vieille école lyonnaise, Berjon nous aliéna, pour
cent ans les gens de goût », L’aventure de Joseph
Guichard trouva chez Henri Béraud, un auditeur engagé
: « D’autre part cette époque vit revenir à
Lyon un homme doux et véhément que tout un groupe ne
tarda pas à reconnaître pour chef. C’était
Joseph Guichard. Il allait à petits pas, souriant et prodigieusement
distrait. A la fois inconnu et populaire, ignoré et décoré,
il menait à Lyon la vie d’un disciple de Jean-Jacques,
aimait la jeunesse, buvait sec et cuisinait, pour la joie des dilettanti,
d’adorables morceaux de peinture ». Lorsque Guichard fut
démis par les agissements du sculpteur Fabisch, de son poste
de directeur de l’école des Beaux-Arts de Lyon. Son départ
conduisit cette institution, à une certaine décadence,
entre 1871 et 1874. Devant les problèmes posés, on réorganisa
l’Ecole, placée en 1876, sous la direction du Ministère
des Beaux-Arts». On confia sa gestion au chef de l’administration
municipale, assisté d’un conseil d’administration.
Dans la foulée, on constitua deux prix d’honneur : le
premier étant nommé Prix de Paris et le second Prix
d’Excellence. Parmi les lauréats du Prix de Paris qui
sera complété par le Prix Paul Chenavard, retenons quelques
noms : François Guiguet, Jean-Louis Appian, Tony Tollet, Tony
Garnier, Etienne-Martin, Claude Idoux, Jean Cardot, Yvan Avoscan,
Henri Lachieze-Rey, Alain Roche, Michel Besson, Jean-Philippe Aubanel,
Patrice Giorda, Victor Caniato, Bruno Yvonnet, Stéphane Braconnier,
etc. A partir de 1930, l’intérêt de ce Prix reposait,
pour le vainqueur dans la possibilité de séjourner,
dans la villa du 18, rue Ledion, maison offerte à la villle
de Lyon, par une généreuse donatrice, Marie Pézieux.
Les élèves de l’Ecole des Beaux-Arts de Lyon obtinrent,
à la fin du XIXe siècle, de remarquables résultats
: une médaille d’or en 1889 à Paris, pour Adolphe
Castex-Degrange professeur de la classe de fleurs, le Grand Prix de
Rome en 1899, pour Tony Garnier et pour Jean Larrivé, l’auteur
du monument de l’île aux cignes au Parc de la Tête
d’or, en 1925, futur directeur. Enfin l’école remporta
le Grand Prix de l’Exposition Universelle à Paris, en
1900.
En 1906, l’Ecole Régionale d’Architecture qui venait
d’être constituée, occupait une partie des locaux
et intégrait l’enseignement de l’Ecole des Beaux-Arts.
L’Ecole fut transférée, en 1936, dans une partie
du bâtiment de l’Ecole de Tissage. En 1948, elle déménagea
une partie de ses classes, pour investir une caserne à l’adresse
actuelle. Elle se partagea en deux lieux, jusqu’en 1953. Cette
année-là, on confia la construction d’une nouvelle
école, à l’architecte Paul Bellemain, en accord
avec Jean Coquet, son directeur, sur l’emplacement de la caserne.
Après six années de travaux, le bâtiment actuel
fut inauguré le 19 Novembre 1960. En 1968, on scinda l’enseignement
des Beaux-Arts et celui de l’Architecture, en deux branches
distinctes. Le contexte étant à la contestation, des
émeutes éclatèrent, accompagnées d’actes
de vandalisme. Comment ramener la paix dans les esprits ? On décida
la création d’ateliers : publicité, sculpture
expérimentale, et photographie publicitaire.
Etienne-Martin se souvenait avec tendresse d’Arthur Kleinclausz,
son professeur d’histoire de l’art, directeur de l’école
à partir de 1928 et mort en 1948. Nous pensons à Jacques
Laplace, le Ziniar, professeur de principes de 1928 à 1954,
à Auguste Morisot, professeur de bosse jusqu’en 1933.
Impossible de ne pas évoquer ici, la figure discrète
d’Henri Vieilly, professeur de 1942 à 1970, dont les
élèves conservèrent un souvenir ému et
respectueux. En 1994, Guy Issanjou, dont le passage à la direction
de l’Ecole transforma son orientation, demanda une étude
pour prouver qu’une école d’Art était apte
à former des artistes et non pas de futurs chômeurs.
Guy Issanjou affirmait ainsi son option : “ Qui peut définir
ce qu’est l’Art aujourd’hui et ce qu’il sera
demain ! Il est en mutation constante, changeant de territoire dès
qu’on croit le cerner. Lieu d’utopie et de réalité,
il est avant tout extraordinairement multiple. Se pose alors une nouvelle
question : peut-on enseigner l’Art ? Non, s’il s’agit
d’imposer à l’individu une vision dogmatique. Oui,
s’il s’agit de permettre aux étudiants d’accéder
à la diversité des regards possibles.” La réussite
des orientations de Guy Issanjou et de son équipe permit à
l’Ecole des Beaux-Arts de Lyon de renouer avec l’optention
du Concours de la Villa Medicis à Rome, par l’intermédiaire
de Marie Denis. Après le départ de Guy Issanjou, son
successeur, Yves Robert, bénéficia d’un élan
indiscutable, d’une réputation confortée . L’Art
est devenu installation. Les jeunes artistes en quête d’un
large public s’adressent aux utilisateurs d’Internet.
Les élèves de l’Ecole des Beaux-Arts semblent
bien loin de la Fabrique et de ses contraintes, et pourtant, avec
la naissance de métiers, hier inconnus, et liés au développement
des nouvelles technologies, ils accèdent à des carrières
inédites, en conservant leur liberté de création.